Jazz Gang by H. Paul Jeffers

Auteur:H. Paul Jeffers [Jeffers, H. Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782070488742
Google: q2hbQwAACAAJ
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1982-05-14T22:00:00+00:00

XVI

RUE DES PÉDALES

Selon moi, ce que deux personnes faisaient au lit, ça les regardait. D’ailleurs, ça ne m’avait pas vraiment surpris d’apprendre que Kelly La Glissette était de la pédale. Bien des musiciens en étaient. Je le savais. Tout le monde le savait. À supposer que le fait d’être de la pédale soit néfaste à la musique, ça dépassait mon entendement. À mon avis, s’il y avait un rapport entre les deux, il ne pouvait être que positif. Il me semblait que pour faire de la musique, il fallait y mettre son âme, ainsi que sa douleur et ses souffrances. Les pédales de ma connaissance avaient assez des deux pour faire quantité de bonne musique.

Ben et moi, on sortit du métro au coin de la Quatrième Rue et de la Sixième Avenue et on gagna Macdougal à pied. C’était le quartier de Ben. Il habitait à quelques pas de là, de l’autre côté de Washington Square. Il me dit qu’il croyait savoir où était ce troquet anonyme.

— Je suis passé devant deux ou trois fois, mais j’ai cru que l’affaire ne marchait plus. Ça avait toujours l’air fermé. D’ailleurs, quand je suis aussi près de chez moi et que j’ai envie de boire un verre, je le prends à la maison.

On tourna dans Macdougal en direction de Bleecker Street. Au bout de quelques pas, Ben Turner désigna une porte de bois tout ordinaire et marmonna :

— Je crois que c’est ici.

J’examinai la simple porte peinte en marron :

— Ma foi, il n’y a pas de nom dessus.

Ben empoigna le bec-de-cane, tira dessus et la porte s’ouvrit. On entra dans une longue salle étroite avec un bar en acajou d’un côté et, de l’autre, de petites tables couvertes de nappes à carreaux rouges et blancs. Il y avait plusieurs faibles ampoules nues au milieu du plafond. Au fond, une plaque rouge sale indiquait l’entrée des toilettes pour hommes. Un nuage de fumée de cigarettes alourdissait l’atmosphère. Le long du bar presque vide, s’alignaient des tabourets délaissés. Il n’y en avait que deux d’occupés, au bout, par deux hommes jeunes et minces, silhouettes pareilles à des ombres, à cause de la fumée et de l’éclairage déficient. Ils levèrent la tête à notre entrée, nous scrutèrent un moment, puis se retournèrent l’un vers l’autre et reprirent leur conversation à mi-voix.

Un jeune homme blond derrière le bar s’approcha de nous :

— Que puis-je faire pour vous ?

— Est-ce que cet endroit s’appelle le bar sans nom ?

— Certains l’appellent comme ça, répondit le jeune homme. Il est tard. On va fermer.

— Je cherche un gars.

Le visage du jeune homme se fendit d’un sourire amusé :

— Et alors ?

— Un grand flandrin très sympa, il s’appelle Kelly La Glissette.

— Ai-je raison de supposer que vous êtes un officier de police ? demanda le jeune homme.

J’allais lui répondre que ça n’était pas ses oignons, mais je repérai La Glissette qui sortait des toilettes.

— Laissez tomber, mon pote, le voilà, dis-je en traversant la salle à grands pas, suivi de Ben Turner.

— Hé ! La Glissette ! (Je constatai qu’il était givré.) Je suis Harry MacNeil ! Je te cherche

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